

Brain Damage, 20 years of dub & experiments
Rappelez-vous l'année 1999. Où étiez-vous, que faisiez-vous, qui étiez-vous? 1999, c'était il y a 20 ans et c'est un quart d'une vie humaine. Ça vous paraît beaucoup ? Alors imaginez-vous que depuis tout ce temps il y a un savant fou qui explore le monde sonore et nous partage ses expérimentations en sillonnant les routes de la planète. Un homme dans son laboratoire qui a cherché, avec une poignée d'autres, à façonner ce à quoi ressemble aujourd'hui le dub. Martin Nathan est un électron libre. Se baladant de projets en projets, il a eu le temps en deux décennies de se faire une bonne bande de copains. Logique alors qu'ils nous offrent un beau cadeau pour cet anniversaire : le 4ème opus de la série Combat Dub chez Jarring Effect. Ces compilations réunissaient des tracks remixées par les acteurs de la scène dub mondiale du moment. Des albums sortis sur Hammerbass et Bangarang à l'époque, travail d'équipe entre Brain Damage et Fedayi Pacha.
Photo de famille
Combat Dub 4, c'est une grande photo de famille. La famille qui, depuis des années, fait avancer le dub et la culture sound system. Ce disque nous rappelle la richesse du paysage dub en faisant appel à tous les arbres qui y ont pris racine : Vibronics, Zion Train, Zenzile, Dub Invaders (High Tone crew), Dub addict (Kaly Live crew), O.B.F... Mais comme souligné sur le site du producteur, ce n'est pas un « name dropping » gratuit, mais bien le reflet de 20 ans de collaborations et d'aventures. On voyage entre différents style de dub, on se laisse porter par l'ambiance de chaque artiste, par les voix qui ont marquées au fer rouge des tunes devenues hymnes (Harrison Stafford, Horace Andy, Tena Stelin, Willi Williams...).
Un album osmotique
Impressionnant comme chaque track semble correspondre exactement à qui la remixé. Chaque artiste y laisse sa patte, sa bassline reconnaissable, tout en gardant l'esprit Brain Damage. Une osmose qui cache un travail de direction artistique fin, et nous laisse aussi imaginer la complicité que tous ces esprits libres ont dû tisser au fil des ans. Un hommage à double sens qui donne envie de s'enfermer plusieurs nuits dans un sous-sol bien équipé pour se refaire la discographie de Brain Damage et toute la bande.
Stand High Patrol nous emmène avec Spirit World dans leur étrange monde si caractéristique créé par le contraste du doux skank et de l'écrasante basse. La harpe de The Tower to Eternity revient à Fedayi Pacha qui nous embaume d'un groove planant oriental amené par une danse hypnotisante entre les percus et le oud. Les vétérans de Zion Train, qui ont fêté leur 30 ans il y a peu, s'occupent des jeunes avec Pray fi di youths, du roots à la basse bien énervée issu de l'excellent album Walk the Walk. C'est évidemment des membres d'High Tone, Dub Invaders, qui reprennent Shake Up, un stepper aussi envahissant qu'une armée d'aliens survoltés hurlant « Violence everywhere » (un titre qu'on retrouvait sur High Damage, le projet commun d'High Tone et Brain Damage). A propos du Genetic Weapon, attendre la prochaine session d'O.B.F. pour entendre cette pépite digitale sur leur sono va sembler long. Mention spéciale pour Culture Dub Sound qui lâche sa première prod, en acérant très efficacement le Royal Salute, ce chant de guerrier, hommage de Sir Jean aux Rubadub Soldiers. (Premier remix, mais également 20 ans que la bande de militants de Culture Dub fait vivre et répand cette culture à travers de nombreux projets...).
Evidemment, l'hôte se joint à ce joyeux banquet en donnant une seconde vie à Stand By Me, extrait de Liberation Time, cette belle rencontre avec le fondateur de Groundation. On retrouve cette magnifique tune avec une nouvelle basse vibrante, sonnant comme la surchauffe de filaments d'une grosse ampoule de son laboratoire secret.
Pochette surprise
Seul point négatif et surprenant de l'album : la pochette. Ben Hito qui avait déjà travaillé sur Liberation Time en 2017, nous a habitué à un travail riche de couleurs et de détails ; des typographies vintage maîtrisées et des compositions impactantes, créant un style unique rappelant les belles heures du mouvement psychédélique. Un style pleinement exploité auprès des plus grandes figures musicales du monde (l'affiche pour Georges Clinton, croisée au détour des couloirs du métro parisien reste une de mes grandes claques visuelles). Ici, un artwork sobre et froid, étrange contraste avec cet album foisonnant. Un mélange entre motifs en flat design ornemental et une fausse 3D, une typographie sévère et sans charme... On reste sur sa faim en imaginant ce qu'aurait pu donner le style puissant de Ben Hito s'il avait pu vraiment épousé toute la richesse contenue dans cet album.
Brain Damage on tour
Belle période, entre High Tone et Kaly Live remixés l'année dernière par les acteurs de la scène electro-dub contemporaine et ce beau disque de Papas, qui nous rappelle le chemin parcouru dans l'aventure du dub. Un chemin qui laisse imaginer les autres belles décennies à venir.
La suite va se dérouler sur les routes pour Brain Damage, l'occasion de se rappeler comment on les aime, lui et le dub : en live.
Joyeux anniversaire Martin, et merci.
PS : Pour bien apprécier l'expérience Combat Dub 4, on vous as fait la playlist Unremixed : toutes les tracks originales avant d'être dubbées par la famille : ici