Rencontre avec Guive, de Guive & The Ora

Rencontre avec Guive, de Guive & The Ora

A l'occasion de leur concert à la MDE de Villeneuve d'Ascq, nous avons pu rencontrer Guive, leader du groupe Guive & The ORA. On vous a retranscrit le contenu de cet entretien...

Auteur : Ben Peronne
Publié le 24 juin 2019

Le jeudi 20 Juin, veille de la fête de la musique, nous étions à la Maison Des Etudiants de Villeneuve d'Ascq pour assister au concert de Guive & The Ora venus présenter sur scène leur premier album La Musique est mon remède. Nous en avons profité pour rencontrer Guive et parler avec lui de son parcours, de trombone, de Soul, de Marvin Gaye, de Reggae et bien sur de sa musique. On vous livre ici, le contenu de cet échange privilégié.


Peux-tu te présenter, toi ainsi que le reste du groupe ?

Je m’appelle Guive. Je suis chanteur, tromboniste et leader du groupe Guive & The Ora. C’est un groupe que j’ai fondé en 2012, en réunissant autour de moi plusieurs musiciens, sept exactement ! Des musiciens et amis que j’avais pu rencontrer au fil de mon parcours. Je suis un peu le dénominateur commun puisque c’est le projet que je souhaitais monter. Il y a eu une longue période où je n’avais plus de groupe, je jouais surtout en sound-system et ça me manquait énormément. Donc forcément, il fallait que je remonte une formation. J’ai fait appel à différents musiciens que j’avais déjà pu rencontrer. Kevin, le bassiste, c'est celui que je connais depuis le plus longtemps puisque j’ai commencé avec lui en 2000, ça remonte donc ! Les autres se connaissaient ou avaient déjà joué ensemble comme Rico le batteur, Ti Kitoko le percussionniste, François à la guitare, et même Mika au clavier. Maké au saxophone et au clavier connaissait lui aussi une partie des musiciens. Il n’y a que pour Professor Liv’High que c’était différent, très peu le connaissaient dans le groupe. J’ai réuni des gens avec qui je pensais qu’il pouvait y avoir de bonnes affinités - musicales et humaines - parce que c’est la base ! Et justement, pour ceux qui se connaissaient, il n’y avait pas de souci, je savais à quoi m’en tenir, mais pour ceux qui ne se connaissaient pas ... C’est toujours la surprise, mais ça a vachement bien pris. C’est une petite famille !


Peux-tu nous parler de tes débuts avec Spartak Dub Commando notamment?

Loo Ranks & The Internacional Spartak Dub ‎– L'homme de paix / Pédo file de là...

Spartak Dub Commando, c’était des anciens de Gom Jabbar et Ausweis, un des groupes précurseur en France du Reggae / Dub et même un peu du Dancehall dans les années 90 puisqu’ils backaient Puppa Leslie. Ils ont remonté une formation qui s'appelait Spartak Dub Commando dans laquelle plusieurs personnes sont passées dont Loo Ranks, un DJ qu’on backait. Je suis rentré dans le groupe en tant que tromboniste et puis j’ai commencé à faire des chœurs, c’était en 97.


Quand et comment as-tu choisi de te mettre au trombone ?

J'avais 18 ans. J’ai fait de la musique étant petit, mais je faisais du piano. Par la suite, j'ai eu une longue période où je ne jouais plus et puis j’ai commencé à écouter du Reggae à partir de 15 ans. C’est le Reggae qui m’a fait découvrir vraiment le trombone. Avec Don Drummond et Rico Rodriguez surtout ! Vin Gordon aussi. Ils m’ont donné envie de jouer de cet instrument là. Le titre Ramble qui est dans l’album Man From Wareika m'a énormément marqué. Cet album est extraordinaire ! Après j’ai découvert d’autres albums de Rico, puis j’ai découvert Don Drummond avec les Skatalites, et quand j’écoutais tout ça, je suis tombé amoureux du son de cet instrument qui est tellement roots. La musique jamaïcaine - avec la Salsa aussi - met vraiment cet instrument en avant.



Comment es-tu passé du trombone au chant ?

Ca s’est fait petit-à-petit en fait. Je chantais timidement chez moi alors que je jouais déjà dans des groupes. Mes profs de chant, c’étaient Johnny Clarke, Johnny Osbourne, Alton Ellis, Delroy Wilson. Je branchais le magnéto et je chantais par dessus leurs chansons, après je me ré-écoutais au magnétophone pour voir ce que ça donnait. Et puis, j’ai commencé à m’émanciper de ça. A l’époque, c’était la petite amie de mon frère qui vivait avec nous qui m’a dit la première : “T’as une super belle voix !” Je me disais qu’elle disait ça pour être gentille. Je ne pouvais pas le croire. Il m’a fallu un temps énorme entre le moment où je chantais, où je commençais même à composer et à chanter d’autres choses à moi, tout seul chez moi, et le moment où j’ai commencé à oser le faire avec mon groupe. Et c’était avec un de mes premiers groupes, Big Trouble, que j’ai commencé à chanter. On faisait un medley de reprises où il y avait un morceau d’Horace Andy, en allant aux séances d’enregistrement pour faire notre maquette, l’ingé-son m'a dit : “T’as une super voix !” Ça m’a donné confiance parce que j’étais extrêmement timide. Je pouvais chanter en studio, et si quelqu’un entrait, je m'arrêtais de chanter. C’était à ce point là ! Mes premiers concerts, je regardais droit devant moi, c’était terrible. Aujourd’hui, ça va mieux.


On peut ressentir l'influence de la musique Soul dans tes chansons. Quel rapport entretiens-tu avec ce genre musical ?

Avant d’écouter du Reggae, j’écoutais du Hip Hop et de la Soul. J’étais un fan de la Motown et particulièrement de Marvin Gaye. C’est un artiste qui m’a profondément marqué. L’album What’s Going On restera une référence ultime pour moi. J’ai aussi écouté James Brown... Il y a d’autres chanteurs qui m’ont influencé en dehors de la Soul comme Dennis Brown, Delroy Wilson, Johnny Osbourne, mais je pense que c’est un mélange de tout ça. Pour un chanteur, le plus important, c’est de trouver sa propre voix/voie. Et ma voix/voie aujourd’hui, c’est un mélange de tout ça.


Pour toi, le Reggae et la Soul se mélangent naturellement, il n'y pas de frontière entre ces deux genres ?

C’est un peu ça… C’est marrant parce que quand je suis dans le milieu Reggae, on me dit que j’ai une voix très Soul. Et puis, dès que je vais dans un milieu plus Soul, on me dit que j’ai une voix Reggae.
Mais pour moi la différence entre le Reggae et la Soul, elle est minime. En tous cas, c’est clairement de la Soul que vient le Reggae, comme le Ska vient du Jazz… Les jamaïcains se sont tellement nourris de la musique américaine et aujourd'hui encore cette influence se poursuit.


Est-ce que l'on pourrait t'imaginer reprendre du Marvin Gaye dans un de tes prochains projets ?

Je l’ai déjà fait pour un dubplate. J’avais repris I Heard It Through The Grapevine.
Je l’ai fait aussi sur une production de Patate Records, un mashup qui était à la base un dubplate que j’avais fait pour Soul Stereo. C'était une reprise de Barry White : Can't Get Enough Of Your Love que j’avais posée sur une instru Rocksteady de Treasure Isle. Et comme il fallait une face-B, j’ai repris Sexual Healing de Marvin Gaye sur un autre riddim de Treasure Isle, Only a Smile (The Paragons).



Avec quel artiste as-tu découvert le Reggae ?

Le premier disque que j’ai vraiment écouté en boucle, ça devait être l’album Legend de Bob Marley. Puis j’ai découvert Steel Pulse, Culture, Gladiators, Burning Spear. J’ai aussi écouté beaucoup de compilations Frontline.


Quelle est la collaboration qui a eu le plus d'impact sur toi, musicalement et humainement parlant ?

Je ne crois pas avoir fait cette rencontre encore. Pour moi, c’est assez particulier parce qu’il n’y a pas encore eu la rencontre musicale où vraiment on crée à 100% ensemble. Il y a beaucoup de projets qui étaient mes projets à la base. J’avais une idée précise de ce que je voulais. J’ai même écrit une partie du couplet de Lone Ranger pour le titre New Start par exemple.

Ce qui m'a le plus marqué je crois, c’est de voir que des "papis" qui ont autant d’années de carrières, ont toujours ce même engouement. J’ai pu le voir chez Joseph Cotton, U Brown, Lone Ranger, Johnny Osbourne… Les mecs, quand tu leur mets de la musique et qu’ils adhèrent, ils redeviennent des gamins. Je me rappelle de Lone Ranger en train de bondir en disant “Waaah Bomboclaat, c’est bon ça !!!” et se ré-écouter le son en boucle. Ce côté pétillant… Ils ne sont pas blasés. Il y a toujours cet amour pour la jeunesse. Et ça franchement, je me souhaite de le garder parce que je trouve ça extraordinaire. Et puis, c’est ce qui fait que tu crées constamment. Il faut qu’il y ait cet enthousiasme là, limite enfantin. Ça, ça m’a marqué !


Entre la création de Guive & The Ora et le lancement de votre premier album, 7 années se sont écoulées. Que s'est-il passé pendant tout ce temps ?

Parce que déjà, le groupe quand je l’ai formé, on a commencé à tourner. On avait aucune structure, on prenait des dates ci et là. Et donc, il fallait construire notre répertoire, le peaufiner. Une fois qu’on a trouvé qu’il était temps de faire un album, il a fallu trouver les moyens de faire un album, on a dû mettre de côté des cachets. On avait pas de label derrière nous et puis je suis très mauvais pour aller démarcher, ça je l’ai appris sur le coup et c’est un apprentissage qui demande du temps. Et quand on a des projets à côté, une vie familiale, un job pour payer les factures etc. Ça prend beaucoup plus de temps. En réalité, l'album était fini et masterisé depuis 2016.

Si tu prends l’exemple de Bienvenue à Paname, le clip était prêt depuis 2015. On devait le sortir en fin d’année. Mais on ne l’a pas sorti parce qu’il y a eu les attentats à Paris et que dans le texte on disait "Bienvenue à Paname dans la jungle urbaine, faut aimer les safari …" et ça n’a rien à voir mais ça prenait un autre sens.



Le plus dur, ça a été de trouver des partenaires, de réunir de l’argent pour avoir un attaché de presse, pour avoir une belle pochette, etc. Tout cet aspect qui vient après la musique, on a dû se former sur le tas. Distribution, communication, promotion... Tout ça prend du temps. Je pense que pour notre prochain album, on sera un peu plus rodé donc ça ira plus vite.

On a sous le coude l’idée de faire un second album. On a aussi l’idée de ressortir des versions annexes parce que j'ai des dubs qui ne sont pas encore sortis, donc j’aimerai bien sortir entre temps une version alternative de l’album.


Peux-tu nous expliquer comment est né le titre Bienvenue à Paname ?

Il y avait un sound-system dans ma ville, Fontenay-sous-Bois, qui s’appelait Paname Sound. A l’époque où Damian Marley avait sorti son album Welcome to Jamrock, ils ont voulu faire une mixtape qui s’appelait Welcome to Paname. Ils m’ont donné des instrus avec comme thème "Welcome to Paname". J’ai commencé à écrire un espèce de morceau qui était un pendant de Welcome to Jamrock mais en français. C’est devenu Bienvenue à Paname, c’était sur le World Jam Riddim. Ils ont sorti ça en 2005 je crois, donc ça date...



Ensuite, c’est un morceau qui faisait partie de mon répertoire et quand j’ai monté le groupe, il se trouve que par chance Professor Liv’High jouait aussi de l’accordéon donc je lui ai demandé si il pouvait faire un petit truc un peu “ambiance parisienne”. Le World Jam Riddim était plus en mode Hip Hop, et là je voulais plus le chanter. Avec l’arrangement de l’accordéon, c’est devenu une évidence et ça a donné un mix entre Rub-a-Dub et musette. Je me suis rendu compte d’une chose, c’est que le côté mélodieux de la chanson avait finalement atténué le côté piquant des lyrics qui étaient assez pamphlétaires sur la ville Paris et la vie parisienne.


Quel est le son que tu écoutes en boucle en ce moment ?

Tu sais, c’est difficile de répondre parce que quand on est dans cette période là, sur plein de projets alternatifs, dès que j’ai un peu de temps j’écoute les instrus pour lesquelles je dois écrire de nouveaux morceaux. Il faut s’accorder des temps pour écouter de la musique parce que ça devient à un moment donné nécessaire. Donc en fait, c’est au gré de ce qu’il se passe sur YouTube ou sur Facebook, de ce qui va attirer mon attention. Après j’ai mes albums, dès que j’ai un peu de temps je vais les ré-écouter. Mais la découverte récente que j’ai pas mal écouté c’est Vaudou Game, c’est un groupe franco-africain d’Afro-Funk que je t’invite à connaître. C’est génial !



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