Un line-up taillé pour les puristes… et les curieux

Pas besoin de tourner autour du pot : l’édition 2017 du Dub Camp Festival, installée à Joué-sur-Erdre (Loire-Atlantique), a incarné l’esprit sound system à la perfection. Du 13 au 16 juillet, ce festival devenu référence a embarqué plus de 17 000 festivaliers sur quatre jours, boostant de 20% sa fréquentation comparé à l’année précédente (Ouest-France).

Le secret ? Une programmation pensée comme une initiation XXL à toutes les facettes du reggae-dub, de la Jamaïque jusqu’à la France underground. Parmi les têtes d’affiche marquantes de cette édition figurent des piliers de la discipline :

  • Jah Shaka (UK), le roi du roots militant et maître de la trance dub, rare sur le territoire français
  • Channel One Sound System (UK), légende vivante du carnival londonien, venu souffler ses classiques roots/reggae
  • Kibir La Amlak (UK), expert du live mix et producteur à la frontière du roots et de l’expérimentation
  • O.B.F. Sound System (France/Suisse), représentant du dub européen explosif et moderne
  • King Earthquake (UK), chef d’orchestre des basses lourdes avec un set réputé pour faire trembler le sol
  • Legal Shot, I-Tal Sound, Dub Livity… La crème de la scène hexagonale
La force du Dub Camp, c’est ce mélange entre vétérans qui ont bâti la culture sound system et jeunes pousse au style tranchant, incarnant la relève.

Des arènes sonores pour vivre la culture, pas juste l’écouter

Le festival ne se contente pas d’un simple format scénique. Il recrée littéralement l’expérience sound system, dans la pure tradition des block parties caribéennes et anglaises. La recette ? Pas moins de 4 chapiteaux thématiques installés sur le site :

  • Jah Shaka Arena, dédiée au livedub roots UK avec un wall of sound époustouflant
  • King David Arena, temple du reggae roots vintage
  • Uprising Arena, pour les crews novateurs
  • Dub Club Arena, repaire des dubmakers
Chaque arena est sonorisée par les systèmes de diffusion maison des crews invités. On n’est pas dans la “grosse sono pro” impersonnelle : ici, chaque pile d’enceintes a été conçue, bricolée, tunée par des passionnés. Les Festivaliers vivaient donc la vraie expérience physique du sound system : des basses qui font vibrer le corps, pas seulement les oreilles. Cela donne un festival où l’on se promène de chapiteau en chapiteau comme dans les rues de Kingston, à la recherche du riddim qui va s’imprimer dans la mémoire.

Une scénographie faite main, à l’image de la culture DIY

Pas d’infrastructure clinquante ni d’effets spéciaux : le Dub Camp est organisé par l’association Get Up !, 100% indépendante, qui s’appuie sur plus de 300 bénévoles pour chaque édition. Rien n’est laissé au hasard pour faire coller la scénographie avec la philosophie sound system, basée sur le DIY (Do It Yourself) hérité des ghettos sud-londoniens et jamaïcain :

  • Des enceintes construites artisanalement, peintes de couleurs vives et portées en fierté par chaque crew
  • Un décor inspiré des premières block parties de Londres, avec des panneaux faits main et une déco végétalisée
  • Des espaces chill-out animés par des disquaires vinyl, des stands de réparations d’enceintes, des ateliers “découvre ton sound” pour que chaque passionné puisse toucher le matériel
Tout cela contribue à la transmission d’un savoir-faire ancré dans les communautés et à la pédagogie, avec des crew qui prennent le temps d’expliquer le fonctionnement de leurs systèmes, du branchement jusqu’au choix des amplis vintage.

L’hommage aux racines : conférences, projections, “clash” et transmission

Le Dub Camp 2017 ne s’est pas limité à l’écoute – il s’est imposé comme un véritable labo culturel. Dès l’après-midi, le festival proposait :

  • Des conférences sur l’histoire du sound system, de la Jamaïque des années 50 jusqu’à la scène UK actuelle, guidées par des figures comme Paul Axis de l’Université de Brighton
  • Des projections de documentaires (“Musically Mad”, “Sound Business”) pour revenir sur la transmission intergénérationnelle du reggae et du dub
  • Un clash légendaire, où les crews s’affrontent à coups de dubplates exclusives – entre jeu, respect et showmanship, façon Kingston. La “Uprising Arena” est devenue l’arène de véritables batailles sonores, devant un public chauffé à blanc.
Cette édition a ainsi joué à fond le rôle de passeur, connectant les vétérans et les jeunes crews, et rappelant que le sound system, c’est autant la technique que la communauté.

L’essor du festival : chiffres et ancrage européen

2017 marque une étape-clef pour Dub Camp : le festival est devenu la plus grosse réunion sound system d’Europe continentale cette année-là, attirant des passionnés des quatre coins du continent, voire même du Royaume-Uni, d’Italie, d’Allemagne ou encore d’Espagne. En chiffres, cela donne :

  • Plus de 80 artistes et crews programmés en quatre jours
  • Un public évalué à 35% d’étrangers (chiffres organisation Get Up! relayés par FranceTVinfo)
  • 45 heures de live et sound system non-stop, du jeudi soir au dimanche soir
  • Plus de 45 000 watts de son cumulés sur le festival, record européen à cette date sur un événement spécialisé
La programmation croisée France/Jamaïque/Royaume-Uni, mais aussi Italodub et afro-dub, a fait du Dub Camp une scène unificatrice, prouvant la vitalité de la culture sound system hors des frontières historiques du reggae.

Une mixité générationnelle rare

Ce qui marque à Dub Camp, c’est la cohabitation entre générations :

  • Les “vieux briscards”, vétérans du vinyl et constructeurs de sound dans les années 80 et 90
  • Les “youth crews”, nouvelle vague influencée par le dub digital, l’afro et la techno
  • Un public qui compte aussi bien des pères et mères de famille que la jeunesse reggae/dub venue découvrir “le vrai son”
Les ateliers d’initiation à la construction d’une enceinte bass reflex, la possibilité d’assister aux balances des têtes de line-up, ou encore les masterclass proposées sur l’utilisation des dub sirens et delays ont fait de cette édition un vrai festival de transmission. Plusieurs figures du sound system UK, comme Aba Shanti-I, ont d’ailleurs tenu à saluer cet état d’esprit “open”, qui distingue le Dub Camp du simple événement commercial.

Des anecdotes qui font l’histoire du Dub Camp 2017

Impossible d’évoquer 2017 sans revenir sur quelques instants qui ont marqué les esprits :

  • Le final dantesque orchestré par Jah Shaka, qui a joué près de 3h non-stop en clôture, saluant le public breton comme “one of the most open-minded and powerful crowd he ever played for”
  • L’orage de samedi soir, qui a temporairement fait sauter la sono dans l’Uprising Arena – mais chaque crew a ressorti les enceintes, rebranché en live, dans un élan collectif et solidaire typique du vrai esprit sound system
  • Le stand “vinyl corner” animé par Soul Stereo, où nombre de festivaliers ont pu chiner des pressages roots introuvables ailleurs qu’à Kingston
Autant de scènes qui montrent la force du Dub Camp à fédérer autour du partage et de la passion brute.

Dub Camp 2017 : bien plus qu’un festival, un manifeste pour la culture sound system

Si on devait retenir une chose de cette édition, c’est le pari réussi d’un festival qui ne fait aucune concession sur sa philosophie : transmission, authenticité, et communion autour du son collectif. Le Dub Camp a su prouver que la culture sound system, héritière de la Jamaïque des années 50 et déclinée sous mille formes, n’a rien perdu de sa force fédératrice. L’arène ? Un espace de liberté, où chaque basse est un appel à l’unité et à la découverte, pour les aficionados aussi bien que pour les esprits curieux. Aujourd’hui, le Dub Camp fait référence en Europe, et l’édition 2017 restera sans conteste un modèle : celle d’un rendez-vous qui fait battre le cœur du reggae/dub aussi fort, sinon plus, qu’à ses origines.

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