Reggae Sunsplash 1979 : la naissance du mythe en Jamaïque

Difficile de parler festivals reggae sans mentionner le Reggae Sunsplash, LE pionnier, celui qui a inventé le format et imposé un standard planétaire. En juin 1978 c’est la “Peace Concert” (Smile Jamaica) de Bob Marley qui fait la une, mais c’est bien en 1979 que le Reggae Sunsplash réalise le rêve de milliers de passionnés : rassembler en un seul lieu tous les acteurs majeurs du reggae roots.

  • Dates : 23 au 30 juin 1979, Jarrett Park, Montego Bay
  • Affiche : Burning Spear, Third World, Dennis Brown, Inner Circle, Toots & the Maytals

Cette première édition n’attire “que” 10 000 personnes selon le Jamaica Gleaner, mais frappe fort : six jours d'affilée de concerts, marathons nocturnes jusqu’à l’aube, des têtes d’affiches inédites, des sound systems d’anthologie. La légende dit que la pluie et la boue n’ont pas fait fuir les massives, et que la vibe a fait trembler la Jamaïque.

Mise en lumière internationale

Le succès est immédiat : la presse internationale (New Musical Express, Rolling Stone) couvre l’événement, qui est même diffusé à la BBC. Pour la première fois, le roots reggae s’affiche comme une scène mondiale, loin du folklore, avec des musiciens et techniciens de haut niveau. Le Sunsplash sera décliné à Londres, Tokyo, New York ou Paris jusqu’au début des années 2000, mais c’est ce cru 1979 qui a lancé la machine.

Rototom Sunsplash 2009 : l’exode en Europe et l’ouverture au monde

Un festival qui traverse une frontière et change de dimension, c’est tout sauf banal. Le Rototom Sunsplash, né en 1994 à Gaio di Spilimbergo (Italie), avait déjà bousculé le paysage européen. Mais l’édition 2009, la dernière sur le sol italien avant le déménagement en Espagne un an plus tard à Benicàssim, symbolise le passage du reggae local à l’horizon international.

  • Plus de 150 000 festivaliers sur 10 jours, un record sur le continent selon BBC News
  • Une line-up transgénérationnelle : Alpha Blondy, Alborosie, Lee "Scratch" Perry, Groundation, Israel Vibration

L’événement se déroule dans une ambiance sous tension, la pression policière italienne ayant poussé ses organisateurs à migrer. C’est tout le public européen qui se fédère alors autour du festival, devenu en Espagne le rendez-vous N°1 du reggae mondial hors Jamaïque.

Un message universel

Ce passage de relais vers l’Espagne marque la fusion des vibes méditerranéennes avec l’esprit roots, l’ouverture à l’Afrique et même à la bass culture UK. Le Rototom Sunsplash, dès 2009, affirme son rôle de carrefour interculturel, accueillant des activistes du reggae venus de 38 pays différents !

SummerJam 2001 : la réunification reggae à Cologne

Si l’Allemagne est aujourd’hui le terrain de jeu de nombreux sound systems et labels, c’est le SummerJam qui a fédéré la scène. L’édition 2001 est devenue historique pour deux raisons :

  • Première migration du festival au Fühlinger See, près de Cologne — un spot idyllique sur l’eau
  • Explosion du dancehall avec Elephant Man, Sean Paul, Beenie Man côtoyant Barrington Levy et Ganjaman

Plus de 25 000 visiteurs se pressent au bord du lac, une scène qui marquera toute une génération. France 2 et Arte dédient des sujets à cet événement alors inédit en Europe de l’Ouest, où se mélangent anglais, patois, français, italien… La vibe est family, la fête totale. C’est aussi ici que Gentleman, le reggaeman allemand, joue devant “son” public, boostant définitivement la scène d’Europe centrale.

Reggae Geel 1982 : la Mecque du reggae continental

On ignore souvent que la Belgique fut l’un des tous premiers pays à faire venir les pointures jamaïcaines. Reggae Geel, lancé dès 1978, explose vraiment en 1982 en faisant venir Black Uhuru, tout juste lauréat du premier Grammy Award du meilleur album reggae ("Anthem") ! C’est un choc pour tout le public européen : voir des légendes du roots & culture jouer hors Jamaïque, dans une ambiance ultra indépendante.

  • Edwin Starr, Gregory Isaacs, Rita Marley fouleront la scène dans les années suivantes
  • Reggae Geel devient dès lors un lieu de réflexion sociale et culturelle, abordant la diaspora africaine, la politique, et le panafricanisme

Selon Le Soir, la fréquentation triple entre 1980 et 1985, positionnant Reggae Geel comme la plus ancienne “reggae gathering” d’Europe qui dure encore aujourd’hui !

Garance Reggae Festival 2010 : when France goes roots again

Si La France a son lot de petits festivals roots, rares sont ceux à réunir la crème du reggae mondial. Le Garance Reggae Festival, après des années à Paris et Saint-Malo, s’installe à Bagnols-sur-Cèze en 2010 et marque le retour du roots au cœur du sud. Cette édition devient culte :

  • 22 000 spectateurs sur 5 jours (chiffres Libération)
  • Horace Andy, The Abyssinians, Buju Banton, U-Roy, Sly & Robbie, Israel Vibration

La vibe est pure : camping roots, soundsystems jusqu'à 5h du matin, village artisanal, discussions autour de la légalisation. Les aficionados s’en souviennent comme du Woodstock reggae hexagonal. Buju Banton y donne son dernier concert en France avant son incarcération, un moment chavirant pour les fans.

Afrique du Sud : Cape Town International Jazz Festival 2012, le reggae s’affirme

Place au continent africain ! Depuis les années 2000, Cape Town est la capitale culturelle qui ose tout. L’édition 2012 du Cape Town International Jazz Festival fait la part belle au reggae, consacrant enfin Lucky Dube après sa disparition en 2007.

  • Quelque 34 000 festivaliers (chiffre BusinessDay Afrique du Sud)
  • Un hommage géant à Lucky Dube, Mikey Spice et Steel Pulse au line-up

C’est la première fois que l’évènement jazz phare d’Afrique met le reggae au centre, affirmant le rôle du genre dans la lutte contre l’apartheid et la construction identitaire du pays. Des vidéos live tournent encore sur YouTube et sont étudiées dans des universités africaines (Source : UCT Music Dept).

Rebel Salute 1998 : Roots et revival à l’état pur

Lancé en 1994 par Tony Rebel en Jamaïque, le Rebel Salute s’impose comme LE festival qui refuse l’alcool et les paroles slack, misant sur l’identité roots. L’édition 1998 marque un tournant majeur avec la consécration de Luciano, Capleton et Queen Ifrica. Pourquoi ?

  • 100 % roots, 0 dancehall “sexiste”
  • Politique de “food is the healing”, vegan & ital only
  • Audiences record retransmises en direct sur TVJ

Rebel Salute propulse la nouvelle génération roots (Sizzla, Garnet Silk) et inspire la vague consciousness qui va déferler dans les années 2000 sur le reggae international.

Fêtes et luttes : quand les festivals donnent la voix aux combats sociaux

Impossible d’évoquer les festivals reggae sans s’intéresser à leur rôle social. Les éditions marquantes ont souvent été des plateformes de lutte ou de mémoire collective :

  • One Love Peace Concert 1978, Jamaïque : Bob Marley réunit Michael Manley et Edward Seaga sur scène, unissant les foules en pleine guerre civile (Source : BBC Documentary “Making of Legend”)
  • Festival Reggae sur Seine 2002, Paris : le festival multiplie les scènes, provoque des débats entre artistes africains, antillais et européens sur le racisme et la diaspora
  • Uppsala Reggae Festival 2014, Suède : la famille Marley, Groundation et des activistes suédois sensibilisent 30 000 personnes à la crise des migrants (Source : Sveriges Radio)

Au-delà des concerts, la plupart des grands rassemblements reggae ont intégré débats politiques, ateliers afrodescendants, stands militants. Des espaces où la musique reste un outil d’éducation populaire et de mobilisation.

Quand la fête écrit l’histoire : souvenirs, héritage et nouvelles frontières

Des baïas espagnoles de Benicàssim aux îlots scandinaves d’Uppsala, ces festivals – et surtout leurs éditions les plus marquantes – montrent à quel point le reggae sait construire des ponts insoupçonnés. Chaque édition mythique a imposé une nouvelle vision : mélange des genres à SummerJam, racines roots à Rebel Salute, tribunes militantes à Geel ou à Paris…

Aujourd’hui, ces légendes inspirent les nouveaux rendez-vous : No Logo, Freedom Sounds, Outlook, chaque scène locale développe sa vibe unique, en piochant dans cet héritage électrique. Il reste des pages à écrire, des souvenirs à créer. Les festivals reggae ne se contentent pas de célébrer la musique : ils propagent les luttes, les énergies et la connexion universelle, une fête après l’autre, année après année. Big up à toutes celles et ceux qui “keep the vibes alive”, sur scène ou dans la foule. Rendez-vous à la prochaine édition !

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