Un festival hors-norme, au cœur des échanges culturels

La Suède n’est pas la première place à laquelle on pense quand on évoque le reggae, et c’est précisément pour ça que l’Uppsala Reggae Festival est si singulier. Dès ses débuts en 2001, l’événement a été conçu comme une plateforme de rencontres. On y croise des têtes d’affiche internationales (Buju Banton, Stephen Marley, Barrington Levy…), des artistes locaux, mais aussi des talents insoupçonnés d’Italie, d’Afrique ou des Balkans.

Ce brassage, c’est le terreau parfait pour voir naître des associations inédites, souvent montées en dernière minute, parfois programmées, toujours porteuses d’énergies nouvelles. L’édition 2019, par exemple, a réuni pas moins de 25 nationalités sur scène. Difficile de faire plus cosmopolite – et plus propice aux interactions (Source : uppsalareggaefestival.se).

Quand roots et hip-hop fusionnent : collaborations cross-genres marquantes

Dès son renouveau en 2017 après une pause de plusieurs années, l’Uppsala Reggae Festival a affiché la couleur : casser les cloisons musicales. L’une des prestations qui a marqué les esprits, c’est la venue de Protoje accompagné sur scène par le MC suédois Promoe du collectif Looptroop Rockers. La rencontre entre les basses jamaïcaines et le flow percutant du rap scandinave, sur une version remixée de “Who Knows”, a enflammé le public – mélangeant amateurs de reggae roots et de hip-hop alternatif (2018).

  • En 2012, Damian “Jr Gong” Marley a invité Million Stylez, Suédois d’origine suédo-japonaise / érythréenne, star dancehall du pays, à le rejoindre pour “Welcome to Jamrock” – posant un couplet inédit en suédois sur une instru emblématique. Une prouesse qui a mis la Suède à l’honneur devant plus de 18 000 spectateurs ce soir-là (Source : ReggaeVille).
  • Même approche en 2010 : le collectif Svenska Akademien a partagé la scène avec l’artiste ghanéen Rocky Dawuni pour un freestyle mêlant dialectes suédois, anglais et twi sur des riddims rub-a-dub.

Ces moments illustrent une tendance forte du festival : le reggae ne connaît pas de frontières, ni de langue. Les scènes d’Uppsala l’affirment chaque été.

Jam sessions imprévues : les nuits magiques du backstage à la lumière des projecteurs

L’un des secrets du Uppsala Reggae Festival, c’est la tradition des backstages ouverts. Ici, l’after ne se passe pas qu’en coulisses : de nombreux artistes se retrouvent sur la scène secondaire, tirent des câbles, branchent guitares/basses, et proposent des jams impromptues.

  • En 2009, la chanteuse Queen Ifrica, suite à sa prestation principale, rejoint un sound-system où elle improvise un duo inédit avec le Sénégalais Meta Dia. Les vidéos tournent encore sur YouTube, moment rare où le nyabinghi s’est mêlé au mbalax ouest-africain (Source : Uppsala Reggae Festival YouTube Channel).
  • 2011, la section cuivre de Inner Circle fusionne avec celle du groupe suédois Rootvälta lors d’une version interminable de “Bad Boys”, les riffs ska rencontrant les arrangements nordiques, sous les ovations du public.

Ces jams sont aussi le terrain de jeu des musiciens en herbe du festival. De jeunes suédois invités à plugger batterie ou guitare sur scène pour improviser avec la légende jamaïcaine Julian Marley lors d’une session open-mic en 2017 – pari réussi pour créer la relève européenne du reggae.

World music et reggae : le laboratoire scandinave des sons métissés

Impossible de parler d’Uppsala sans évoquer les grandes ouvertures sur d’autres univers musicaux, qui donnent naissance à des rencontres rares. Le festival a toujours cherché à intégrer des instruments et styles du monde dans une esthétique reggae.

  • En 2018, la finlandaise Mimmi Pörhölä rejoint le rappeur/dubmaker Papa Dee pour un set expérimental, où nyckelharpa (instrument traditionnel suédois proche de la vielle) et clavier dub s’entremêlent sur du riddim steppa.
  • 2015, le groupe Ethiopiques Sound System ramène sur scène le trompettiste Getatchew Mekuria (Éthiopie) pour une version d’“Satta Massagana” où le reggae croise les modulations pentatoniques de la musique abyssinienne (Source : Africa Express Review).

On peut également souligner la collaboration 2014 entre Gentleman’s Dub Club et le collectifs d’artistes sami (peuples autochtones de Laponie), pour un “chant joik” repris façon dub, expérience unique jamais rééditée (couvrez toute la scène de frissons ce soir-là !).

Femmes puissantes : alliances inattendues et girl power

Le festival n’a jamais laissé le reggae au seul masculin. Plusieurs moments mémorables ont vu les voix féminines, venues d’horizons opposés, s’unir.

  • 2016 : Marcia Griffiths, queen du lovers rock, invita la jeune suédoise Sara Lugo pour reprendre ensemble “Electric Boogie” en version acoustique – féminité et complicité transcendantes.
  • 2019 : Lila Iké partage la scène du main stage avec la rappeuse scandinave Syster Sol sur le morceau “Second Chance”, twisté par un bridge dancehall/hip-hop qui retourna la foule (Source : Reggaeville Report 2019).

Des invités de dernière minute : when surprise guests rock the dance

Parmi les instants cultes du Uppsala Reggae Festival, impossible d’oublier les guests débarquant sans prévenir. Le public en redemande, le staff organise en direct.

  • En 2012, alors que Tarrus Riley terminait son set, Collie Buddz, programmé le lendemain, monte sur scène pour “She’s Royal x Mamacita” – fusion roots/dancehall en mode freestyle total.
  • 2017 : l’afrobeat s’invite avec Seun Kuti, annonçant 10 minutes avant son apparition qu’il aimerait jammer avec “les plus roots sur place” : il finit par partager la scène avec la chorale reggae-gospel d’Uppsala, sur une reprise de “Expensive Shit” de Fela Kuti version reggae – moment capté par une poignée de smartphones et devenu viral sur la page officielle du festival.

Des chiffres qui racontent la magie

Édition Nombre d’artistes invités Collaborations live documentées Participants (estimation)
2010 54 7 15 000
2012 61 10 18 500
2016 48 6 13 000
2018 59 9 14 000

La diversité, à Uppsala, ce n’est pas qu’un argument marketing : c’est un modus operandi. Et chaque édition enrichit la playlist des “collaborations miraculeuses”.

Pourquoi ces rencontres font la différence ? Focus sur l’impact

Au-delà du simple plaisir de se faire surprendre, ces alliances sont aussi un statement : le reggae évolue, se régénère par la contagion des cultures. Voir Julian Marley slammer avec un collectif hip-hop suédois ou Lila Iké fusionner avec les voix nordiques, ce n’est pas juste un effet festival, c’est un manifeste du possible.

  • Création d’hymnes exclusifs captés seulement à Uppsala (nombreux lives devenus cultes sur SoundCloud/Youtube)
  • Mise en lumière d’artistes scandinaves contemporains, souvent peu programmés ailleurs
  • Renouvellement du public, brassage générationnel et culturel garanties

Scandinavie, terrain fertile des fusions reggae : et la suite ?

Uppsala Reggae Festival reste un observatoire de ce que le reggae international peut produire de plus imprévisible et généreux. Avec la scène suédoise désormais reconnue partout en Europe (ramenez-vous en 2022, la Palestine, l’Ouganda, la Finlande étaient représentés…), la vague continue. Les prochaines éditions promettent encore plus de duos électriques et de “jams” inouïes – la besta reggae family n’a pas fini de réinventer la fête.

Pour creuser ces moments, rien de mieux que de plonger dans les archives vidéos et audio du festival (dispo sur le site officiel et la page Youtube). De quoi revivre ces fulgurances musicales qui font du Uppsala Reggae Festival un pilier de la créativité reggae mondiale. Watch the vibe… et rendez-vous l’année prochaine pour de nouvelles rencontres imprévues sous le soleil scandinave !

En savoir plus à ce sujet :